Note indicative sur le vieux chêne de la place de l’Orme
Ce qui fait la spécificité de ce chêne, c’est son grand âge, sa forme très particulière et le site panoramique, imprégné d’histoire locale, où il est implanté.
Le lieu-dit « Sus l’Orme » est une esplanade où le regard découvre un espace important du pays de Vaud. Ce site, que l’on confond souvent avec le Signal de Morrens, est depuis toujours complanté de diverses espèces d’arbres. Jusqu’à ces dernières années, il y avait des ormes plusieurs fois centenaires Atteints d’un mal inexorable, ces ormes ont été abattus en 1986. La municipalité a tout fait pour les sauver. En 1989, devenu dangereux, il a fallu abattre un tilleul. Un arbre splendide qui faisait l’orgueil de la commune.
Parmi les arbres les plus anciens reste le chêne. Un vénérable vieillard qui porte le poids des ans avec beaucoup de majesté. Il est là depuis des temps immémoriaux. Nul ne connaît son âge. On avance des chiffres très élevés. Entre six cents et sept cents ans pour les uns, moins pour les autres. Une photographie datée de 1933 montre qu’ à cette époque déjà, un tuteur supportait une de ses branches basses. L’estrade que l’on avait érigée à son pied, avant cette date, ne figure plus sur cette photographie.
On s’occupe de cet arbre avec sollicitude. La municipalité a mandaté dernièrement une société spécialisée pour lui donner des soins et procéder à un élagage délicat.
Proche du lieu-dit « Le crochet », on a suggéré que ce vieux chêne pourrait avoir servi de gibet. C’est peu vraisemblable, même si deux de ses branches basses auraient bien convenu à cet usage. On sait qu’en 1535, l’évêque Sébastien de Montfalcon avait inféodé la seigneurie de Morrens à Jean Réal, son maître « monnayeur » avec juridiction, sans droit de glaive. Il est improbable que ce droit ait préexisté.
Ce chêne a un aspect très spécial. Le fût est court. Il semble écrasé par le poids de la ramure. On pourrait imaginer que dans un temps très ancien, la plante a été gênée dans son développement et qu’elle a poussé ses branches latéralement vers la lumière. Un autre spécimen situé à l’extrémité de la place de l’Orme qui, selon les renseignements que détient Mme Panchaud, pourrait avoir le même âge, s’est développé normalement.
Le chêne de la place de l’Orme aurait donc pu voir flotter du 27 mai au 4 juin 1476 les étendards de l’armée de Charles-le-Téméraire qui, marchant vers Morat, campa sur le territoire de la commune de Morrens. Le jeune Davel aurait joué sous ses branches comme les écoliers de nombreuses classes lausannoises qui, génération après génération, venaient traditionnellement en course d’école « Sus l’Orme ». Il a vu construire, tout proche, le premier réservoir depuis lequel, pour la première fois en 1908, on distribua à Morrens, l’eau courante captée à Montheron. Lors de la grande fête qui marqua le 300 ème anniversaire de la naissance du Major Davel, il a vu défiler le 5 septembre 1970, autorités, cantonale et communale en tête, l’imposant cortège où flottaient les centaines de drapeaux des communes vaudoises. Depuis peu, un tunnel passe sous ses vieilles racines pour amener l’eau au grand réservoir que la ville de Lausanne a construit à proximité. Au fil des ans, de multiples fêtes privées ou publiques, cérémonies religieuses se sont déroulées à l’ombre de ses branches basses et étendues.
Hélas, le vieux chêne a vécu ses plus beaux jours. Il est fini le temps où, les ormes centenaires formant sa garde personnelle, il régnait, prince incontesté, sur un paysage majestueux et intact. L’urbanisation, chaque jour, grignote son royaume qui rétrécit comme une peau de chagrin.